L’adolescent pizzaiolo Mino Raiola devenu « Agent spécial », tire sa révérence

Originaire de la Campanie italienne, le polyglotte et emblématique agent de joueurs, Mino Raiola, qui a grandi aux Pays-Bas et qui résidait à Monaco, s’est éteint, samedi dernier, à Milan, à l’âge de 54 ans, des suites d’une maladie pulmonaire

Qu’est ce qui réunit les joueurs suédois Zlatan Ibrahimovic, tchèque Pavel Nedved, norvégien Erling Haland, français Paul Pogba, italien Mario Balotelli et néerlandais Matthijs de Ligt – pour ne citer que ceux-la-, autant de footballeurs qui ont évolué dans des clubs différents, à des postes différents et à des époques différentes? Un seul homme, qui se nomme Camino Raiola, plus connu sous le diminutif Mino.

Né en novembre 1967 à Nocera Inferiore, à proximité de Naples, l’emblématique et sulfureux agent de joueurs, a su creuser son sillon dans un domaine inattendu et auquel il n’était pas initialement prédestiné, n’était-ce son sens inné des affaires et son bagout naturel.

En effet, Raiola, dont la famille avait émigré aux Pays-Bas, alors qu’il était âgé d’un an, a grandi à Haarlem, une ville située à une trentaine de kilomètres d’Amsterdam, et travaillait, durant son adolescence, en tant que pizzaiolo, au restaurant de la « famiglia », appelé « Napoli », pour rappeler au père, auparavant mécanicien de son étant, sa région natale.

Quelques années plus tard, Raiola conjugue son implication dans le club local de football (la plus ancienne formation néerlandaise encore en activité), en tant que joueur, puis dirigeant et ensuite actionnaire, à son lancement en tant qu’entrepreneur.
Il a racheté, dans un premier temps, un « McDonald’s » qu’il revend à un agent immobilier, avant de fonder sa première compagnie de courtage, le tout alors qu’il venait de souffler seulement…ses 20 ans.

Son flair légendaire le conduit à intégrer son nouveau monde qui sera désormais, plusieurs années plus tard, quasiment le sien, voire incontestablement sa chasse gardée.

En effet, en tant que responsable du centre de formation du club, il exploite le fait d’occuper le poste de directeur sportif pour devenir un représentant des joueurs hollandais à l’étranger, à la faveur d’un accord passé avec le syndicat des joueurs.

C’est ce premier pas de génie qui amènera le polyglotte « Don Camino » – il parlait couramment sept langues (italien, anglais, allemand, espagnol, portugais, néerlandais, français) à s’engager dans le mystérieux domaine du Mercato du ballon rond, un champ en pleine explosion, durant la décennie 1990.

Il est devenu, en l’espace d’à peine quelques années, après avoir gravi les échelons, et à la faveur de quelques coups de génie, l’un des agents de joueurs les plus influents de la planète foot, qui a laissé son empreinte indélébile en la matière.

Il convient de rappeler que le domaine des transferts internationaux de joueurs a connu une prolifération inédite en raison, essentiellement, de l’arrêt Bosman et de l’explosion sans précédent des droits de transmission TV, avec leur impact grandissant qui est venu métamorphoser les revenus des clubs européens.

Autant redoutable que redouté par les dirigeants des clubs, compte tenu de ses talents de négociateur hors-pair, le roublard Raiola qui brillait par sa faconde et son sens des affaires, en bon italien qui se respecte, était, à l’opposée, aimé et adoré par ses clients, qui ne sont autres que les joueurs de football appartenant au gotha du sport le plus populaire au monde.

En effet, Raiola défendait crânement les intérêts de ses poulains, quitte à provoquer la rupture avec les clubs. Le tonitruant agent, qui a amassé une fortune considérable de ses activités, tenait tête aux plus grands du « Vieux continent », alliant le geste à la parole, et ce même lors de ses plus grands coups d’éclat.

Rappelons-nous son énorme déclaration après le transfert de la Juventus vers Manchester United, de l’international français Paul Pogba, dont il était l’agent. Raiola avait lancé, sans sourciller : « Lorsque l’on regarde le transfert de Pogba, Manchester United a payé 100 millions d’euros. Mais, ils auraient dû en payer le double ».

En parlant d’argent et de revenus, et selon plusieurs médias, dont l’anglais « The Sun », la fortune personnelle de Raiola est estimée à quelque 700 millions de dollars, grâce aux commissions glanées des suites des transferts de ses clients, de nombreux joueurs et quelques rares entraîneurs.

Ce qui est remarquable dans le cas de Mino Raiola, c’est que le monde du football compte parmi ses stars et constellations, majoritairement des joueurs, dont les attaquants en grande partie, parfois des entraîneurs à l’instar du « Special One », José Mourinho, ou du « Sir » Alex Furgeson,,quelques fois des dirigeants, rarement des arbitres (l’italien Pierluigi Collina fait partie de ce cercle très fermé) mais jamais d’agents de joueurs.

La seule exception avec le portugais Jorge Mendes, et encore la nuance est de rigueur et avec une différence de taille, est Mino Raiola.
Jusqu’à sa mort, l’italien a été exceptionnel même lors de l’annonce de son décès. Une « fausse alerte » a défrayé la chronique, à deux reprises, dont l’avant-veille de sa mort « officielle », lorsque plusieurs médias transalpins avaient annoncé sa disparition, avant que la famille n’intervienne vertement pour démentir la nouvelle.

Nous avons même eu droit à l’intervention du « Super agent » en personne, qui s’est fendu, provocateur comme à son habitude, d’un tweet assez cru pour lancer : « Fait ch…, deuxième fois en quatre mois qu’ils me tuent. Il semble aussi que je sois capable de ressusciter ». Toutefois, la troisième annonce fut la dernière et la « Grande faucheuse » a rendu son ultime verdict.

Lors de ces funérailles qui ont eu lieu, jeudi, à Monte Carlo, où il résidait, nombre de stars mondiales du football ont fait le déplacement aux fins de rendre un dernier hommage à un agent qui veillait sur leurs intérêts comme il le faisait sur ceux de pizzeria familiale, et qui est parvenu à révolutionner le monde des transferts, en imposant de nouveaux rapports (de force) entre clubs et joueurs.

Les hommages de ces derniers se sont, d’ailleurs, multipliés sur les réseaux sociaux, depuis une semaine, mais le plus touchant demeure celui de l’italien Moise Kean qui illustre la nature des liens unissant cet agent iconoclaste et virevoltant aux acteurs des carrés verts.

L’actuel attaquant d’Everton en Premier League, n’arrivant « pas encore à croire », a remercié celui qui « l’a sorti de la rue et lui a fait apprendre tellement de principes dans la vie, RIP Big boss », ce qui dénote que les liens tissés par Camino avec ses clients-joueurs dépassait – et de loin, – les seuls cercles professionnel et contractuel.

Hatem Kattou

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