Real Madrid – Liverpool : La belle sera-t-elle la revanche de Salah ?

En 1981, Liverpool ravissait la Ligue des champions au Real qui, en 2018, lui rendait la pareille. Le 28 de ce mois, ils se retrouvent pour la belle et, peut être, pour la revanche de Mohamed Salah…

« A quelque chose malheur est bon », doivent se dire aussi bien les supporters du Real Madrid que ceux de Liverpool, qui s’affronteront en finale de la Ligue des champions, le 28 de ce mois, non plus à Saint-Pétersbourg mais à Paris, sanctions contre la Russie pour sa guerre en Ukraine, obligent. C’est que, au-delà de son attrait fêtes et lumières, la capitale française est beaucoup plus proche pour les uns comme pour les autres et le déplacement, par conséquent, moins coûteux.

– 3000 euros et plus, le sésame

Mais si aller à Paris ne pose pas de problème pour les Espagnols et les Anglais, trouver une place parmi les 80 000 du Stade de France, est une autre paire de manches qui relève du miracle. C’est que l’UEFA qui s’en est réservée 30 000 pour ses Fédérations et ses sponsors, n’a accordé, à la vente, que 15 600 billets à chacune des deux équipes finalistes. Un premier lot de 12 000, sur le reste, s’est déjà envolé en un temps record, depuis le 28 avril.


Et si les prix officiels de l’UEFA varient entre 70 et 690 euros (75 – 750 USD, environ), il est d’ores et déjà impossible de s’en procurer à ce cours. En effet, sur les circuits parallèles, le moindre « sésame » se vend actuellement à 3000 euros minimum; un pactole dépassant les 400%, qui ira à la hausse, au fur et à mesure que le rendez-vous approche


C’est que l’engouement que provoque cette finale dépasse les supporters du Real Madrid et de Liverpool, l’indiscutable popularité de ces deux clubs et le prestige de la Champion’s League. Il touche tous les amoureux du football, le foot du spectacle et du surpassement… Voir à l’œuvre, en chair et en os, les génies et les gladiateurs qui le font et vibrer, à l’unisson, à leurs exploits, valent pour eux tous les sacrifices. Et quand il s’agit, de surcroît, de deux des meilleures équipes du monde, on comprend cette folle ruée vers les billets du 28 mai, pour assister à un duel à dimension multiple…

– Plus qu’une finale…

Que le dernier carré de la Ligue des Champions 2021-2022 ait réuni Villareal et le Real Madrid, d’un côté et Manchester City et Liverpool, de l’autre, confirme que les championnats, espagnol et anglais, sont les meilleurs d’Europe, sinon du monde. Cela est en soi une garantie de l’intensité qui marquera les (d)ébats, où les deux blocs auront à cœur, plus que de remporter le trophée, de briser la parité en victoires, qui marque les deux finales où ils s’étaient déjà confrontés.


En effet, le 27 mai 1981, à Paris mais au mythique Parc des Princes, les Reds faisaient tomber les Blancs madrilènes, à huit minutes de la fin du match. Trente-sept ans -à un jour près- plus tard, le Real prenait sa revanche (3-1). C’était le 26 mai 2018, au stade olympique de Kiev.


Seulement, les fans de Liverpool, beaucoup de puristes aussi, qualifieront cette victoire, qui de « tronquée », qui de « sans gloire », voire même de « hold-up ». C’est qu’à un quart d’heure de la fin de la première mi-temps et alors que le Real arrivait, enfin, à équilibrer le jeu, après les assauts anglais, Sergio Ramos, le pernicieux capitaine madrilène, prenait le bras du virevoltant Mohamed Salah dans une véritable prise de judo et le faisait tomber sous son immense gabarit, lui déboîtant la clavicule et le faisant sortir en pleurs. Le score était vierge.


Difficile d’y voir un geste involontaire, ou même de simple « fougue » de jeu, comme en a jugé, Milorad Mažić, l’arbitre serbe. Déstabilisés par la défaillance de « King Salah », leur fer de lance, le joueur de tous les records et l’un des meilleurs au monde cette année-là, les Reds allaient perdre le fil de la partie, à commencer par leur gardien, l’Allemand Loris Karius, qui allait « offrir » au Real le premier et le troisième buts, anéantissant les espoirs de ses coéquipiers qui avaient pourtant réussi à revenir à la marque (1-1). Deux bévues qui resteront dans les annales et qui briseront la cote de ce keeper sur le marché. Une défaite amère et une grande déception, surtout pour le prodige égyptien qui, couronné de la Ligue des Champions, aurait sûrement décroché le Ballon d’or, tant il a brillé, cette saison-là. Le Trophée de la même compétition, remporté l’année suivante face à Tottenham, n’a été qu’une moyenne consolation.


Aussi est-ce sa propre revanche que Mohamed Salah ira chercher au stade de France, le 28 de ce mois, lors de cette finale que le Français Clément Turpin est pressenti pour diriger. Une revanche sur le Real qui l’a privé, en 2018, d’une fin d’année de rêve, une belle à gagner et une mise à niveau du tableau des confrontations directes entre les deux clubs aux différents échelons de la compétition, les Madrilènes menant par quatre victoires à trois, pour un seul match nul. Enfin une revanche sur lui-même et sur le mauvais sort qui a voulu que cette année et sous son capitanat, l’Égypte perde, aux penalties, face au même Sénégal, et la finale de la Coupe d’Afrique et le dernier match qualificatif à la Coupe du Monde Qatar 2022. Sans compter sa sortie prématurée de la Coupe Arabe, face à la Tunisie (0-1).

– Des talents et deux grands entraîneurs

Des déconvenues qui auraient pu briser plus d’un, mais tout affecté qu’il était, l’Egyptien a vite retrouvé sa joie de jouer et de marquer des buts incroyables, grâce à un mental de fer et à l’exceptionnel entraîneur qu’est Jürgen Klopp. Grand technicien et fin psychologue, il a su l’entourer et le gérer pour lui insuffler de nouveau la rage de vaincre, la volonté d’aller toujours vers l’avant, d’élargir les horizons et les objectifs. Expansif jusqu’à l’exubérance, constamment proche de ses joueurs, l’Allemand a rendu, en deux ans, ses lettres de noblesse à Liverpool qui, après des décennies de disette, est désormais installé dans le gotha mondial du foot.


Le 28 mai, il comptera sur le bloc que constitue son groupe, sur son assimilation tactique, son mental, sa complémentarité et son sens du labeur. Avec le génie de Salah, les accélérations de Sadio Mané, les illuminations dans la surface de Firmino et du déroutant Diogo Jota, il a de quoi faire trembler la défense du Real. D’autant que ces attaquants seront soutenus, au milieu, par les solides et talentueux Thiago Alcantara, Henderson, Chamberlain, Fabiola, ou keïta. C’est dire qu’il a l’embarras du choix et qu’avec les cinq changements, il pourra, au besoin, rectifier le tir, avec la même efficacité. Derrière, il a la chance d’avoir Virgil Van Dijk, l’un des meilleurs arrières centraux du monde et Robertson, la « muraille ».


Tous ces noms ne seront pas de trop face au grand Real aux treize Ligues des Champions, le Real pour qui les miracles font figure de nature, d’esprit, de doctrine. Ses spectaculaires « remontada » de cette saison, face aux redoutables Paris Saint Germain et Chelsea, aux huitièmes puis aux quarts, ne sont rien par rapport à l’exploit que les Madrilènes ont réussi contre le grand Manchester City de Guardiola, en demi-finale. Devoir remonter deux buts, à trois minutes du temps réglementaire et le faire, cela tient d’une personnalité de fer qu’on ne retrouve pratiquement plus qu’au Real. Derrière, il y a le coach Carlo Ancelotti, « la force tranquille » qui a su faire prendre conscience à ses poulains de leur potentiel technique, physique et psychique, corriger leurs travers, les amener à travailler l’un pour les autres. Aujourd’hui, on sent qu’ils sont capables de sortir indemnes d’un naufrage qu’on voit devant nous, grandeur réelle. Peut-il en être autrement quand on compte, dans son équipe, un Benzema qui n’a jamais été aussi bon, aussi génial et si adroit devant les buts, malgré ses 33 ans? Que dire aussi des intenables Vinicius Junior, Rodrigo, Asensio ou de la jeune révélation Camavinga? Des attaquants en feu, servis par l’exceptionnel Modric qui retrouve ses jambes de 20 ans, kroos à la maestria sereine et Casemiro le solide aux poumons d’acier. Avec ces atouts, qu’importe une défense qui n’est pas toujours au beau fixe, en dépit de la présence de l’excellent Alaba?


Une grande finale en perspective, palpitante et avec des enjeux, au-delà du trophée. Serait-elle la 14ème consécration pour le Real ou la septième pour Liverpool? En tout cas, Salah d’un côté, Benzema de l’autre, ça promet…

(*) Slah Grichi, journaliste, ancien rédacteur en chef du journal La Presse de Tunisie

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