
Les négociations internationales sur la taxation du numérique, pomme de discorde récurrente entre Washington et Paris, se retrouvent dans l’impasse après la « pause » annoncée par les Etats-Unis, au risque de déclencher une guerre commerciale comme le craint l’OCDE.
Le ministre des Finances américain, Steven Mnuchin, a adressé une lettre à certains de ses homologues européens et à l’Organisation de coopération et de développement économiques, dans laquelle il leur annonce « une pause dans les négociations », a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
Ces discussions, sous l’égide de l’OCDE, devaient aboutir d’ici la fin de l’année à un accord mondial pour taxer des groupes comme les GAFA, acronyme pour Google, Apple, Facebook et Amazon, régulièrement accusés de ne pas payer leur juste part d’impôt.
Cette lettre, « dont les Etats-Unis avaient exigé qu’elle reste confidentielle », évoquait néanmoins la possibilité de « reprendre les discussions plus tard cette année » et émettait le souhait qu’un accord mondial soit tout de même trouvé avant le 31 décembre, a expliqué cette même source, qui a regretté le « manque de sérieux » de cette proposition.
Officiellement, le département du Trésor américain a annoncé mercredi dans un communiqué « qu’il avait suggéré de faire une pause (…) au moment où les gouvernements du monde entier se concentrent sur la réponse à la pandémie de Covid-19 et sur la réouverture en toute sécurité de leurs économies ».

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Menacée de sanction par Washington, qui envisageait de surtaxer « jusqu’à 100% » l’équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français, la France avait annoncé en janvier son intention de reporter à la fin de l’année 2020 le prélèvement de cet impôt, pour donner du temps aux négociations à l’OCDE.
Après la « pause » américaine, M. Le Maire a réaffirmé que la France prélèverait bien sa taxe cette année.
« Soit les Etats-Unis reviennent sur leur position et on arrive à un accord d’ici la fin de l’année 2020 et c’est la taxation internationale qui s’appliquera (…), soit il n’y a pas d’accord à l’OCDE parce que les Etats-Unis sont le seul pays à bloquer, dans ce cas on appliquera notre taxe nationale », a-t-il expliqué.
Pour sa part, le commissaire européen aux Affaires économiques Paolo Gentiloni a espéré que la « pause » ne soit pas un « arrêt définitif ».
De son côté, la Computer & Communications Industry Association (CCIA), organisation internationale défendant les intérêts de l’industrie numérique, a redit sa circonspection.
« A l’heure où les gouvernements cherchent à financer leur reprise économique, ils ne doivent pas imposer aux entreprises d’autres pays des taxes spéciales qui conduiraient à des affrontements commerciaux », a averti son vice-président et représentant à Bruxelles, Christian Borggreen.
Bruno Le Maire lors d’une conférence de presse le 10 juin 2020 – POOL/AFP/Archives / Ludovic MARIN