Carlos Ghosn accable Nissan et le Japon pendant sa conférence de presse

Par Geoffroy Clavel

L’ancien patron de Renault-Nissan dénonce une « collusion » entre Nissan et le parquet japonais concernant son arrestation, un « coup monté » selon lui.

 “Je ne suis pas ici pour vous dire comment j’ai quitté le Japon mais pourquoi.”

Au cours d’une conférence de presse marquant sa première apparition publique depuis son évasion du Japon, Carlos Ghosn s’est vivement défendu ce mercredi 8 janvier à Beyrouth (Liban), accusant Nissan et le Japon d’avoir ourdi un “coup monté” contre lui.

“Ce sont des responsables de Nissan, du ministère public japonais qui sont à l’origine de mon calvaire”, a-t-il notamment accusé, jugeant que “la collusion entre Nissan et les procureurs [japonais] est à tous les niveaux”.

Dans un long monologue introductif prononcé quasi exclusivement en anglais, fourmillant de détails et d’apartés parfois confus, l’ancien patron de l’alliance Renault-Nissan a jugé que les accusations de malversations qui lui ont valu plus de 120 jours derrière les verrous étaient “sans fondements” et a assuré une fois encore qu’il avait fui le Japon pour échapper à un emprisonnement injuste.

“J’ai été arraché à ma famille et mes proches”, a déclaré l’ancien capitaine d’industrie de 65 ans devant un parterre de quelque 150 journalistes méticuleusement choisis par son équipe de communication, assurant que ses avocats l’avaient prévenu qu’il ne pouvait espérer un verdict avant 5 ans au Japon.


“Je n’ai pas fui la justice, j’ai échappé à l’injustice et à la persécution”, a-t-il martelé, visiblement soucieux de livrer sa version des faits pour “laver son honneur”. “C’était facile de me taper dessus lorsque j’étais en prison, pas seulement au Japon. […] Maintenant je vais répondre avec des faits, des preuves”, a-t-il promis.

“Il fallait se débarrasser de moi”

S’il a longuement critiqué les motifs et les conditions de sa détention au Japon, qu’il juge incompatibles avec les standards d’une démocratie, Carlos Ghosn a littéralement accablé Nissan, entreprise qu’il accuse d’avoir cherché à le salir par peur d’un rapprochement avancé avec Renault.

Citant la loi Florange qui a augmenté les droits de vote de la France dans l’Alliance, Carlos Ghosn a affirmé que “c’est là qu’a commencé une sorte de défiance de la part de nos collègues japonais, particulièrement à mon endroit et face à mon mandat”. “Certains se sont dit que pour se débarrasser de l’influence de Renault sur Nissan, il fallait se débarrasser de moi. Et ils avaient raison”.

L’ancien magnat de l’automobile a également donné plusieurs noms de responsables au sein de Nissan qu’il estime être derrière son arrestation en collusion avec le procureur, dénonçant la fuite “systématique de fausses informations” qui ont fait de lui un “présumé coupable”. 

Quelques heures avant la conférence de presse, l’équipe juridique française de Carlos Ghosn avait qualifié l’enquête interne de Nissan de “grosse déformation de la vérité”. “Nissan a dépensé 200 millions d’euros pour mener son enquête” qui a nui à l’image de l’entreprise, a ironisé par la suite Carlos Ghosn.

Il a également estimé que son éviction du groupe avait précipité sa chute. “La valorisation de Nissan depuis mon arrestation a baissé de plus de 10 milliards de dollars. Ils ont perdu plus de 40 millions de dollars par jour pendant cette période”, a-t-il dit, pointant également les mauvais résultats de Renault.

“Ils ont voulu tourner la page Ghosn et ils ont réussi car il n’y a plus de croissance, d’augmentation des dividendes ou d’avancées technologiques”, tranche-t-il.

“J’allais mourir au Japon”

Tout en accablant le constructeur automobile nippon, Carlos Ghosn a également éreinté “la justice anachronique du Japon” qui “a tenté de forcer mes aveux en me gardant en otage”.  “J’allais mourir au Japon”, a-t-il insisté pour justifier sa fuite.

Outre une comparaison osée de son arrestation spectaculaire à l’aéroport et l’attaque japonaise sur Pearl Harbor pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ancien patron de Renault-Nissan estime avoir été injustement traité et sali par les autorités japonaises.

“Pourquoi le Japon me repaye-t-il si mal après tout le bien que j’ai fait là-bas?”, s’est-il interrogé, refusant toutefois de viser les autorités politiques nippones. “Je ne crois pas que (les responsables de) haut niveau étaient impliqués”, a-t-il dit aux journalistes, excluant nommément le Premier ministre Shinzo Abe. 

Et de conclure: “J’ai quitté le Japon parce que je veux la justice. Et si je n’obtiens pas la justice au Japon, je l’obtiendrai ailleurs.

%d blogueurs aiment cette page :