56e Biennale de Venise du 9 Mai au 22 Novembre 2015

Le pavillon belge de la 56e Biennale de Venise exposera le travail de l’artiste belge Vincent Meessen (Baltimore, 1971, vit à Bruxelles), ainsi que celui de plusieurs artistes invités.

Son projet « Personne et les autres » rompt avec la tradition de la représentation belge à Venise qui a, jusqu’à ce jour, privilégié des expositions solo ou duo d’artistes belges. Meessen — issu de la jeune génération et moins connu du grand public dans son pays d’origine bien qu’il expose régulièrement dans de grandes institutions internationales — a opté pour un pavillon pluriel et partagé. Personne et les autres s’ouvre ainsi à de multiples voix et positions.

Travaillant en étroite collaboration, Vincent Meessen et Katerina Gregos, commissaire installée à Bruxelles, ont conçu une exposition de groupe inter- nationale, aux accents à la fois poétiques et politiques, discursive tout en étant visuellement riche. L’exposition est basée sur des pratiques qui se nourrissent de travaux de recherches et accueille dix autres artistes originaires de quatre conti- nents, dont, pour la première fois dans le pavillon, des artistes africains. Tous ont engagé depuis de nombreuses années dans leur travail un rapport à la question de la modernité coloniale et la plupart réalisent pour l’occasion une nouvelle œuvre.

Le titre de l’exposition, « Personne et les autres », est emprunté à une pièce, aujourd’hui perdue, d’André Frankin, critique d’art belge proche de l’Internationale lettriste et plus tard, membre de l’Internationale situationniste. Cette exposition prend pour point de départ l’histoire du pavillon belge et le contexte international de la Biennale (tous deux issus des expositions coloniales et inter- nationales) afin d’explorer les conséquences des enchevêtrements politiques, his- toriques, culturels et artistiques entre l’Europe et l’Afrique durant la période de la modernité coloniale et de son prolongement. Le pavillon belge fut le premier pavillon étranger construit dans les Giardini de Venise, sous le règne du Roi Léo- pold II. Le travail et les recherches artistiques de Vincent Meessen n’ont cessé de problématiser l’histoire et les prolongements de la modernité coloniale.

Le projet met en lumière et à l’épreuve du présent diverses formes d’échanges artistiques, culturels ou intellectuels minoritaires, apparus suite aux échanges coloniaux. Au travers de micro-histoires inconnues ou passées sous silence, cette exposition met en lumière des versions alternatives, récalcitrantes ou ‘contami- nées’ de la modernité, nées en marge ou en réaction aux hiérarchies coloniales, ayant généré ce que l’on appelle des ‘contre-modernités’ plurielles.

Personne et les autres remet ainsi en question la conception eurocentrique de la modernité en révélant un héritage avant-gardiste, marqué par une pollini- sation — artistique et intellectuelle — croisée entre l’Europe et l’Afrique. Au gré des œuvres des artistes contemporains se tissent ainsi des liens entre la critique de la modernité des mouvements Dada, CoBrA et de l’Internationale situationniste (1957-1972) — dernier mouvement révolutionnaire de l’avant-garde internatio- nale dont l’ultime conférence eut lieu à Venise en 1969 — et l’émancipation des Noirs, le panafricanisme, les mouvements d’indépendance africains et le mouve- ment ‘Global 68’ (émergence moins connue de Mai 68 dans les pays du Sud).

Une nouvelle œuvre de Vincent Meessen est au cœur même du concept de l’exposition. Au départ d’un document redécouvert de façon inattendue: les paroles d’une chanson contestataire signée par l’ancien étudiant situationniste M’Belolo Ya M’Piku, l’œuvre revisite la participation largement méconnue d’intellectuels congolais à l’Internationale situationniste. Écrite en Kikongo en mai 1968, la chanson, inédite à ce jour, révèle un épisode inconnu de l’histoire du mouvement Situationniste. Avec le concours de son auteur, Vincent Meessen réinterprète ce texte sous la forme d’une œuvre filmique et musicale: une rumba, enregistrée à Kinshasa dans le club ‘Un Deux Trois’, fondé en 1974 par le musicien congolais Franco Luambo (1938-1989), leader du légendaire orchestre OK Jazz.

Il est toutefois important de noter que, Personne et les autres ne se réduit pas, loin de là, à une approche historique des relations belgo-congolaises. L’exposition dégage des perspectives actuelles sur un héritage partagé et fécond pour l’avenir. Réinterprétant au présent ces faits culturels aux issues tant négatives que posi- tives, l’exposition met en exergue certains dialogues artistiques et intellectuels fructueux engagés sous la colonisation, durant les luttes de libération et, tout par- ticulièrement, dans le prolongement de l’indépendance.

En menant une réflexion sur le sens des pratiques radicales et d’opposition à la lumière de l’état du monde actuel, incertain et en crise, Personne et les autres cherche à énoncer un propos hétérogène et polyphonique en rupture avec la disci- pline historique, et qui, de par la pluralité et la résistance des formes mises en jeu, dessine des alternatives positives à la colonisation du présent.

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Les artistes invités sont:

MATHIEU KLEYEBE ABONNENC (1977, GUYANE FRANÇAISE ; VIT ET TRAVAILLE À METZ)

Mathieu Kleybe Abonnenc s’intéresse notamment à la décolonisation des pays africains dans les années 1960. Il enquête sur l’histoire du développement colonial, les causes de l’amnésie collective et de ses effets sur l’identité culturelle et sur le contexte international. Sa nouvelle œuvre pour le pavillon revisite la figure de Victor Schœlcher (FR, 1804-1893) qui a défendu l’abolition de l’esclavage dans les territoires français d’outre-mer.

SAMMY BALOJI (1978, RDC; VIT ET TRAVAILLE À LUBUMBASHI ET À BRUXELLES)

Sammy Baloji remet en question la ségrégation durant la colonisation au Congo à travers l’exploration de l’urbanisation et l’industrialisation, en combinant un travail photographique récent, Essay on Urban Planning (2013), avec une nouvelle œuvre produite pour le pavillon qui fait référence aux activités de surveillance des services secrets belges au Congo, aux sociétés secrètes indigènes et au commerce du cuivre.

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JAMES BECKETT (1977, ZIMBABWE; VIT ET TRAVAILLE À AMSTERDAM)

James Beckett met en œuvre une machine de tri industrielle qui utilise des exemples d’architecture moderniste du continent africain comme matériau de base. Il crée ainsi un centre d’archives automatisé qui produit des scenarios de constructions ‘clandestines’ à travers l’Afrique et qui, indirectement, dénonce l’industrialisation et l’automation, qui ont été le moteur de l’exploitation des ressources naturelles des anciennes colonies.

ELISABETTA BENASSI (1966, ITALIE; VIT ET TRAVAILLE À ROME)

Elisabetta Benassi rend hommage à Paul Panda Farnana dit M’Fumu (1888-1930), un des idéalistes oubliés du Congo. Panda Farnana a été le premier Congolais ayant poursuivi des études supérieures en Belgique. Il était un défenseur des droits des Congolais et a été impliqué dans l’organisation du deuxième Congrès panafricain de Bruxelles en 1921. Elisabetta Benassi a construit, dans le pavillon, un arrêt de tram fantôme et imaginaire, l’arrêt M’Fumu, sur la route du tram 44 de Bruxelles.

PATRICK BERNIER & OLIVE MARTIN (1971, FRANCE; 1972, BELGIQUE;
VIVENT ET TRAVAILLENT À NANTES)
Les artistes présentent L’Échiqueté (2012), une variante du jeu d’échec. Au cours du jeu, les pions ne quittent pas l’échiquier mais changent de couleur, passant du noir au blanc ou inversement. Cette œuvre complexe illustre de manière inventive et sophistiquée le thème de l’hybride et de la mixité engendrée par les relations coloniales. Elle sera accompagnée d’une tapisserie et de deux photographies.

TAMAR GUIMARÃES & KASPER AKHØJ. (1967, BRÉSIL; 1976, DANEMARK;
VIVENT ET TRAVAILLENT À COPENHAGUE)
En revisitant l’héritage du premier peintre africain moderniste Ernst Mancoba (1904- 2002), l’unique membre africain de CoBrA et un des premiers artistes modernes, Tamar Guimarães et Kaspar Akhøj créent une installation composée de sculptures en céramique et d’une projection. Elle raconte une histoire narrée par plusieurs personnages et donne vie à une série de vues décalées sur le primitivisme au XXe siècle.

MARYAM JAFRI (1972, PAKISTAN; VIT ET TRAVAILLE À COPENHAGUE ET NEW YORK)

Le travail de Maryam Jafri interroge les questions de patrimoine visuel, de propriété et
de conservation des images d’importance nationale. En juxtaposant des photographies de l’époque de l’Indépendance africaine provenant d’archives publiques et de fonds d’archives photographiques privés, tel Getty ou Corbis, l’artiste souligne les écarts et divergences entre ceux-ci, pointant les questions actuelles de droits d’auteur, de digitalisation et de propriété de l’histoire.

ADAM PENDLETON (1984, USA; VIT ET TRAVAILLE À NEW YORK)

Le travail d’Adam Pendleton se concentre sur un engagement envers le langage au sens figuratif et littéral, et sur la recontextualisation de l’histoire à travers une iconographie appropriée, souvent issue de l’époque de la libération africaine au cours des années ‘60
et des Droits civils aux États-Unis. L’artiste présente une nouvelle installation comptant récentes et inédites peintures et sérigraphies issues de la série intitulée Black Dada, terme inspiré du poème de 1964 Black Dada Nihilismus de Leroi Jones.

La représentation officielle de la Belgique à la 56e exposition internationale d’art de
la Biennale de Venise est organisée par la Fédération Wallonie-Bruxelles et Wallonie- Bruxelles International.
L’exposition est produite par Normal, Bruxelles.

 

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